samedi 9 mai 2015

Le contexte est la clé !

Comme vu dans le premier billet, la théorie de l'engagement examine la manière dont les gens changent leurs attitudes et comportements face à une requête.

L'engagement aboutit à une sorte de soumission provoquant un changement dans le comportement et l'attitude. Par conséquent, cette soumission, à l'origine d'une demande externe, provoque le renforcement d'intentions attitudinales et comportementales. L'individu sera alors susceptible d'accomplir des actes qu'il n'aurait pas faits spontanément.

Comme déjà vu dans plusieurs articles (ici), l'argent en tant que récompense va influencer négativement la motivation intrinsèque. Contrairement au feedback sur la performance, où la motivation sera renforcée.

La littérature sur l'engagement décrit déjà bien les préconditions pour un changement d'attitude et de comportement. L'accent est bien souvent mis sur le libre-choix.

Il est bon de savoir que la théorie de l'autodétermination s'applique lorsque les individus effectuent des choix en connaissant l'ensemble des possibilités et sans influence extérieure. La théorie de l'évaluation cognitive (CET) fait partie d'une sous catégorie de la théorie précédente. Elle étudie la manière selon laquelle les facteurs contextuels affectent la motivation intrinsèque des personnes à travers leurs actes. Les facteurs sont : le "soutien contrôlé" et le "soutien autonome". Le soutien contrôlé est l'environnement social qui exerce une pression externe, poussant donc un changement d'attitude et de comportement (exemple : "cette demande est obligatoire, donc vous devez le faire"). Le soutien autonome est une information ("cette demande n'est pas obligatoire, vous êtes libres de refuser"), une communication ("nous vous remercions pour votre collaboration, nous avons recueilli beaucoup de résultats") ou un feedback ("vos arguments étaient de très bonne qualité") sur la prestation des gens, il y a ici une absence de pression externe.

Quand quelqu'un fait un acte de son propre chef, la motivation intrinsèque augmente (et vice versa).

Selon Fousiani (2011), le contexte a également une grande influence. En effet, il impacte non seulement la motivation mais aussi le comportement.
Le fait que le sujet se trouve dans un contexte d'autonomie ou non (la latitude laissée ou non à l'individu dans la réalisation de la tâche, la manière de répondre), ou influence-t-il sa manière d'agir, qu'il soit ou non en condition de libre-choix (défini par la possibilité ou non de refuser d'exécuter la tâche qui lui est demandée) ? L'introduction d'une récompense change-t-elle la donne?

Downling, C. (2011). Social commentary. [Image]. Tiré de https://www.pinterest.com/pin/73042825182450988/.

Deux études ont été menées en ce sens à l'Université d'Athènes sur des étudiants ayant le choix de participer ou non.
La première cherche à examiner les effets de la motivation d'autonomie / de contrôle sur l'attitude et le comportement en contexte de libre choix ou non.
Les sujets ont du remplir un questionnaire sur le sujet de la consommation responsable, afin de mesurer leurs attitudes à ce sujet (le même questionnaire sera à nouveau distribué à la fin de l'expérience, afin de mesurer l'écart éventuel d'attitude provoqué par les manipulations introduite par l'auteur). Ensuite, ils ont été répartis de manière aléatoire en 4 groupes avec, à chaque fois, une condition spécifique par groupe (choix libre / non - contexte autonome / contexte contrôlé). On leur demande d'écrire un texte argumentatif sur la sur-consommation de produits et on leur donne d'autres instructions selon le groupe dans lequel ils se trouvent.
Dans le contexte autonome, il leur est demandé d'écrire le plus d'arguments possible, aussi bien qu'ils peuvent.
Dans le contexte contrôlé, il leur est indiqué qu'ils seront informés si leurs arguments sont corrects, s'ils ont été écrits comme ils le devaient.
Après cela, les participants en situation de libre choix reçoivent les instructions du type : "ce qu'on vous demande de faire n'est pas obligatoire, vous êtes libres de refuser". On leur demande par ailleurs d'indiquer sur leur copie leur nom complet (ce qui engage davantage les personnes, puisqu'il s'agit d'un acte public).
Au contraire, les individus en situation forcée recevaient pour instruction : "ce que nous vous demandons de faire est obligatoire, vous devez le faire". On leur demande ensuite d'écrire les 4 derniers chiffres de leur numéro de téléphone (ce qui engage beaucoup moins les personnes puisqu'elles conservent leur anonymat).
Après une semaine, ils reçoivent un feedback écrit différent selon le groupe où ils se trouvaient. On y indique aux participants en contexte autonome que leurs arguments étaient très bons, et que leur aide fut précieuse. Les participants en situation non-autonome, eux, ont reçu une information leur disant qu'on a du vérifier leurs arguments et qu'ils étaient bons, que leur aide a été importante.
Et enfin, comme indiqué plus haut, on leur refait passer le questionnaire initial afin de vérifier leurs attitudes post-expérimentales.

Voici les attitudes selon le contexte :


1) Contexte autonome :

2) Contexte de contrôle:


Hypothèse 1 :
Une demande externe effectuée en condition contexte d'autonomie (plutôt que de contrôle) rend les participants plus favorables à cette requête et augmente leur intention de comporter conformément à celle-ci.

Résultat 1 :

L'hypothèse est confirmée dans le contexte autonome. En effet, à la fin de l'expérience, il y a nettement plus d'attitudes positives envers le consumérisme responsable dans le contexte d'autonomie que dans le contexte contrôlé.

Hypothèse 2 :
Une demande effectuée dans une condition de choix libre et  toujours dans un contexte autonome rend les participants plus favorables à avoir des attitudes positives face cette requête et augmente leur intention de se comporter conformément à celle-ci.

Résultat 2 :
L'hypothèse n'a pas été vérifiée. En effet, aucune influence significative du libre-choix n'a été relevée entre le début et la fin de l'expérience. Cependant, si l'on ne considère que l'étape post-expérimentale, le libre choix a bel et bien une influence sur la conformité (plus importante que dans le choix forcé), mais sans interaction avec le contexte d'autonomie.

En somme, fournir une autonomie favorise la motivation intrinsèque.


La deuxième recherche est un complément de la première étude, on vérifie la même chose avec une composante supplémentaire : la récompense. Le sujet sera cette fois le don de sang.

Les résultats de la deuxième étude montrent que dans une situation autonome, les étudiants seront plus favorables à donner leur sang à la fin de l'expérience qu'au début. Ce qui n'est pas le cas dans le contexte contrôlé. De plus, les individus en contexte autonome, en condition de libre choix et recevant une récompense démontrent une plus grande intention envers le don de sang régulier que les individus en condition de libre choix mais recevant une récompense de type contrôlée. L'effet d'une récompense peut donc être positive, si tant est qu'elle soit administrée de manière autonome. En effet elle est alors perçue par l'individu comme résultant de ses actes, il y voit une causalité interne et non une pression externe.

Pour conclure, les recherches passées mettaient déjà en valeur l'importante du contexte de liberté. Mais cette étude va un cran plus loin. Elle montre qu’insuffler un sens d'autonomie et de volonté propre est capable d'amener à l'engagement et provoquer des attitudes désirables. Les motivateurs externes, tels que la récompense, ont été longtemps décriés. En effet, Deci (1971) indiquait que l'argent ne semble pas constituer un bon motivateur pour les individus. Dans son étude, celui-ci montrait que les récompenses externes avaient un impact négatif sur la motivation. Mais aujourd'hui, les récompenses externes peuvent être admises comme de bons renforçateurs si ils sont administrés dans un contexte d'autonomie. Cette conclusion est donc moins radicale que chez Deci et laisse plus de portes d'entrée pour agir sur l'engagement.
Nous pouvons donc affirmer qu'un sens de l'autonomie accru constitue une composante pouvant stimuler l'engagement. L'étude présente a donc mis en évidence l'importance de la motivation intrinsèque sur les processus d'engagement et c'est actuellement une condition préalable à l'engagement avec des forces externes.

Bibliographie :
Fousiani, K. (2011). The effects of autonomous versus controlling motives on compliance with external requests.Presses univ. de Grenoble 24. P 73-101.
Deci, E. (1971). Effects of externally mediated rewards on intrinsic motivation. Journal of Personality and Social Psychology. P. 105-115

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