mardi 31 mars 2015

Donner sans rien en retour ?

Le fait de faire des dons, d'être charitable, est-ce un comportement désintéressé ?

Pour répondre à cette question il faut tout d'abord identifier un concept clé : l'identité morale. L'identité morale c'est la partie de soi qui a conscience de soi. Cette identité s'organise autour de traits moraux qui motivent à leur tour un comportement moral.
En effet, les gens qui se perçoivent comme moraux tendent à agir dans ce sens via certains comportements sociaux. Ceux-ci ne sont pas seulement spontanés mais aussi calculés. 

Par exemple, l'identité morale pousse à se porter volontaire afin d'aider les plus démunis et faire des dons aux banques alimentaires locales. 
Faire un don [illustration] Tiré de http://pixabay.com/fr/faire-un-don-654328/

Plusieurs expériences ont été menées sur le sujet. Une d'entre elles (Reed, Aquino & Levy, 2007), a été réalisée sur un groupe de personnes où on leur demandait de se décrire en utilisant des mots neutres ou moraux. Ceux qui étaient mis dans les conditions d'une identité morale ont montré une plus grande volonté à donner du temps (plutôt que de l'argent) à une association prosociale.

L'importance de l'identité morale varie selon les contextes, les situations. Les gens doivent gérer différentes identités et seulement une partie d'entre elles seront activées dans un contexte particulier. 
Les comportements prosociaux activent l'identité morale. 

La perception que l'on a de nous-mêmes est influencée par le regard que portent les autres sur nos comportements passés. Cette perception active l'identité morale qui nous pousse à adopter un comportement encore plus social.

Ceci est déjà expliqué dans un billet précédent intitulé On donne le doigt et il vous prend le bras !. Celui-ci soulignait que des sujets auront donc plus tendance à fournir un comportement encore plus charitable si auparavant on leur demande un premier comportement charitable de moins grande envergure.

Par contre, la tendance s'inverse si on évoque des échecs moraux passés. Cela aura pour effet de réduire le comportement moral comme lorsqu'on dit aux gens qu'ils sont charitables ils auront tendance à donner plus d'argent. Inversement si on leur dit qu'ils ne sont pas charitables, ils donneront encore moins d'argent. 

Pour finir, ce concept d'identité morale varie selon le contexte dans lequel on se trouve et est soumis à nos comportements. Mais aussi qu'il s'oppose au concept vu dans le billet précédent le moral licensing. 

Bibliographie:

Conway, P. & Peetz, J. (2012). When does feeling moral actually make you a better person ? Conceptual abstraction moderates whether past moral deeds motivate consistency or compensatory behavior. Personality and Social Psychology Bulletin ,38(7), 907-919.

jeudi 26 mars 2015

J'ai déjà fait ma BA !

"J'ai déjà donné". Vous avez déjà tous prononcé ces mots ou entendu prononcer ces paroles lorsqu'un individu vous demande quelques pièces. Vous avez peut-être effectivement déjà donné ou vous ne souhaitez  peut-être pas particulièrement donner. Ne pas répondre à cette demande fait-il de vous des individus immoraux et égoïstes ?

Dans la vie quotidienne, nous sommes confrontés à un tas de situations semblables demandant de notre part une aide spontanée ou non envers un autre individu. Par exemple, une dame âgée peut avoir des difficultés à porter ses courses etc.

Qu’est ce qui pousse les individus à s’engager moralement envers autrui ou à l’inverse ne pas s’engager ? Comment cela passe-t-il concrètement ? 


s.d. (2008). Helping the homeless in New-York City.[Photographie]. Tiré de http://en.wikipedia.org/wiki/Homelessness

Dans ce court billet, nous montrerons un phénomène nommé le « moral licensing »  ou encore l’absolution d’être moral. Cette dernière semble aller à l'opposé de ce que nous vous proposions dans le billet "On donne le doigt et il vous prend le bras !" . Dans celui-ci, des petites demandes facilitaient l'acceptation de demandes plus larges. On pourrait logiquement extrapoler cette relation. Le fait d'agir positivement envers d'autres personnes inciterait donc à poursuivre avec un même comportement. Il y aurait la création d'un cercle vertueux. Néanmoins, cette évidence semble totalement remise en cause par le principe d'absolution morale.

En effet, cette absolution morale se produit généralement lorsque nous nous remémorons des actes passés où nous avons agi de manière positive envers autrui. Ce sentiment d’avoir agi moralement valide notre sentiment d'être un individu vertueux. Par conséquent, nous ne nous sentons pas obligés de le prouver à nouveau. De ce point de vue, on pourrait penser à une mécanique compensatoire liée à la perception morale de soi. Se sentir moral réduirait la motivation à agir de manière pro-sociale. Inversement, avoir agi de manière peu morale susciterait chez l’individu le besoin de se racheter et donc d’agir vertueusement.

Dans la littérature, différentes expériences illustrent ces propos.  Par exemple, lors d’une de ces expériences, dans un premier temps, des hommes dénoncent des affirmations sexistes visant les femmes mais paradoxalement, lors d’une deuxième tâche ils discriminent plus fortement les femmes qu'un groupe contrôle qui n'avait pas eu l'occasion de condamner des propos sexistes!  De même, lorsque des sujets blancs ont l’occasion de soutenir Barack Obama, ils discriminent  par la suite plus facilement la communauté noire.

Inversement, lorsque des individus se sentent déficients moralement, ils chercheront à s’inscrire dans des comportements restaurant la morale.

Le « moral licensing » n’est pas seulement induit par des actes positifs actuels. Le rappel de notre comportement passé peut aussi l'induire Jordan, Mullen, et Murnighan (2011, cités par Conway & Peetz, 2012) ont demandé à des individus d’écrire une lettre dans laquelle ils se rappellent avoir aidé des gens. Il est apparu que les individus ayant écrit cette lettre s’engagent moins pro-socialement que des individus ayant écrit une lettre lambda. Plus intéressant encore, quand la lettre rappelant un acte positif social concerne un individu autre on ne constate pas cet effet. Similairement, Sachdeva et al. (2009 cité par Conway & Peetz, 2012) trouvent également des résultats similaires. Les résultats indiquent aussi que les effets ne se manifestent pas lorsqu’on pense à autrui.

En résumé, se percevoir soi-même comme moral conduit à se comporter de façon moins morale. A l’inverse, se percevoir comme ayant un faible niveau tend à augmenter ses comportements moraux. Ce pattern peut être interprété comme une autorégulation morale. Métaphoriquement, cela s’apparente à un système de soupapes recherchant systématiquement l’équilibre. On parle de comportements compensatoires moraux.

Bibliographie:

Conway, P. & Peetz, J. (2012). When does feeling moral actually make you a better person ? Conceptual abstraction moderates whether past moral deeds motivate consistency or compensatory behavior. Personality and Social Psychology Bulletin 38(7). P 907-919.

mercredi 25 mars 2015

Le retour du travail à la pièce ?

Derrière ce titre mettant en avant une pratique a priori désuète dans nos sociétés, nous nous posons la question suivante : " Pourquoi, au vu de la littérature, récompenser des individus est-il nuisible pour leur motivation ? Peut-on concilier récompenses et motivation ? "

Comme cité précédemment, l'expérience proposée par Deci démontrait que les récompenses matérielles diminuent le sentiment de contrôle et donc la motivation intrinsèque, tandis que les récompenses sociales les augmentent. Dans le même sens, les récompenses externes pousseraient l’individu à minimiser l’intérêt intrinsèque qu'il éprouve à effectuer une tâche. Il se perçoit lui-même comme extrinsèquement motivé.

Deci avait-il raison ?

Nous pouvons considérer que la diminution de la motivation des sujets pourrait provenir d’un état de « satiété » face à la tâche, ou encore de fatigue: pour parler crûment, ils en ont marre! De plus, il n’apparaît pas clairement dans l’expérience que les individus se perçoivent eux-mêmes comme compétents ou efficaces dans cette tâche. En effet, comme aucun critère de performance n’a été établi, il est difficile de savoir si on a réussi ou échoué. Pour conclure sur cet aspect, rajoutons que les récompenses peuvent apporte un feedback à l’individu sur la qualité de la performance qu'il a effectuée. De cette fâche, elles peuvent insuffler un sentiment de compétence au-delà de la simple gratification qu'elles offrent. Par ce biais, elles pourraient s'avérer motivantes. 

Selon cette approche, le sentiment d'avoir bien réussi la tâche pourrait être impliqué dans l'intérêt intrinsèque. En effet, de nombreuses théories décrivent le sentiment de compétence et d’efficacité comme précurseur à la motivation intrinsèque. Selon ces théories, les individus sont motivés à maîtriser leur environnement. Quand ils y parviennent, une satisfaction naît en eux.

Cependant, les critères selon lesquels une personne juge sa compétence sont souvent définis de manière sociale et externe à eux-mêmes. Par exemple, la réussite aux examens universitaires en Belgique francophone est passée de 12 à 10/20 sans que les étudiants n'y soient pour rien! Par ce biais, les facteurs extrinsèques  peuvent donc générer de l’intérêt personnel pour une tâche.

Dans de nombreuses expériences, les récompenses sont octroyées en fonction de la réalisation de la tâche plutôt qu'en fonction du degré de performance atteint. Cela peut indiquer au sujet que son niveau de performance n’a pas d’importance. Ceci peut évidemment nuire à sa motivation intrinsèque.

Des récompenses dépendant de la performance sont considérées comme une preuve tangible de contrôle effectif: la personne y voit une indication de son degré de compétence. L’activité est vue comme la raison d’être de la récompense, et non plus l’inverse.

Altmann, G. (2014). Performance.[Image]. Tiré de http://pixabay.com/fr/crochet-prix-ligne-qualit%C3%A9-fait-405091/

Tout cela est très  beau mais restait-il à le démontrer. Pour ce faire, une expérience a été menée sur 57 enfants de 4 à 9 ans. On leur a demandé s’ils désiraient apprendre un jeu intitulé « the slide game » ("le jeu des dias" littéralement). C'est un jeu qui est constitué de 20 cartes. La tâche en elle-même n'a pas beaucoup d'importance. Des feedbacks sont préprogrammés et délivrés indépendamment des réponses fournies par les enfants : ils auront tous, à l'issue, 10 réponses correctes sur 20. Ils sont divisés en 3 groupes :

- Le premier groupe reçoit une récompense dépendant de sa performance.
- Le deuxième groupe reçoit une récompense pour réaliser la tâche en elle-même (quelle que soit sa performance, donc).
- Le dernier groupe ne reçoit pas de récompenses et sert de groupe contrôle.

Dans chaque groupe s'appliquent deux conditions :

- La première est une condition de faible performance. On leur indique que les enfants de leur âge ont en moyenne 16 réponses correctes et que faire moins est en-dessous de la moyenne. On indique aux enfants que ceux qui feront plus auront 3 marshmallows en récompenses, tandis que ceux qui feront moins n’en auront que deux.

- La seconde est une condition de haute performance. On leur indique que s’ils donnent plus de six réponses correctes, ils sont au-dessus de la moyenne. On indique aux enfants que ceux qui seront au-dessus de la moyenne recevront 2 marshmallows en récompense, tandis que ceux qui seront en-dessous n’en auront qu’un.

En pratique, comme ils auront tous un score de 10, ils recevront tous 2 marshmallows.

Après cela, un temps d'activités libres est laissé à tous les enfants. On leur indique qu’ils peuvent jouer à ce qu’ils veulent pendant ce temps. Des autres jeux sont à disposition, ainsi que le slide game. Les enfants ont six minutes pour jouer librement. La part de ce temps qu’ils accordent au slide game est la mesure de l’intérêt intrinsèque.


Performance
                Condition
Haute
Basse
Récompense non dépendante de la performance
126.35 (9)
233.5 (8)*
Groupe contrôle
260.49 (10)
111.01 (10)
Récompense contingente à la performance
247 (10)
155.5 (10)

L’hypothèse d’une relation entre contrôle effectif de la performance et intérêt intrinsèque est confirmée.
Les enfants qui ont été récompensés sans rapport au degré de succès montrent une diminution de l’intérêt intrinsèque. De plus, dans les conditions de contrôle et de récompense relative à la performance, un manque de succès tend à réduire l’intérêt des sujets. Ces résultats sont inverses pour la condition de récompense non relative à la performance.

* Pour ce résultat on pourrait s'attendre à ce qu'il soit identique aux autres groupes dans les conditions de basse performance. Néanmoins, le temps de jeu (l'intérêt intrinsèque) est plus élevé. Les auteurs expliquent ce résultat en précisant que l'échec n'a pas d'implication car ils reçoivent tous la récompense. Les individus relativiseraient leur échec car ils reçoivent tout de même leur récompense.Cette explication ne tient pas la route car il n'y aucune raison logique qui pourrait faire en sorte d'augmenter la motivation. Par rapport à cela nous ne pouvons que faire quelques suppositions : 
- Leur mauvaise performance ferait que les sujets auraient tendance à vouloir s'améliorer pour mériter la récompense.
- Ils continuent car ils veulent atteindre le standard de performance mais cette explication est fausse car le groupe contrôle aurait eu les mêmes résultats.
- Lorsque la récompense est indépendante de la performance cela perturbe les critères de performance. On ne sait plus si on doit se fier à la performance ou à la récompense.
Il est à noter que pour chaque groupe, on ne compte que peu de participants. Cela peut donc induire des résultats extrêmes.

On ne constate pas de différence significative entre l’intérêt intrinsèque des enfants qui reçoivent une récompense contingente à leur performance et ceux du groupe contrôle. Pour les auteurs, cela s’explique par le fait que les standards de haute et de basse performance étaient clairement établis à l’avance pour tous les groupes. En effet, l'effet de contrôle est créé chez les individus même si la récompense n'est pas transmise. Les standards définissent déjà la performance sur la tâche.

Pour conclure, l’étude a démontré qu’une décroissance de l’intérêt intrinsèque semble arriver seulement quand on précise au sujet qu’il avait bien réalisé l’activité et quand la récompense n’est pas contingente à la performance. Des recherches additionnelles ont montré qu’une diminution de l’intérêt intrinsèque se crée quand la valeur de la récompense est importante. La récompense reste donc un outil puissant. Une compréhension des conditions qui produisent ou ne produisent pas une diminution de l’intérêt intrinsèque pourrait permettre une utilisation plus judicieuse des récompenses. De la sorte, on optimiserait les bénéfices liés et on éviterait les dangers.

Dans la vie de tous les jours, on pourra influencer son enfant à faire la vaisselle. Le principe est très simple, il suffit de lui dire qu'il fait très bien la vaisselle et encore mieux que son père. On lui donne ainsi le sentiment d'avoir atteint un certain niveau de performance sans pour autant lui donner de récompense. 

Au vu des résultats, nous pouvons proposer quelques transpositions au niveau managérial :
Un employeur peut proposer un salaire fixe qui ne dépend pas des performances de l'individu, tout en lui faisant comprendre qu'il n'atteint jamais ses objectifs. De ce fait, il sera motivé. Cette transposition ne correspond pas à la réalité. Dans le système scolaire, on entend que les élèves sont de moins en moins performant mais le salaire des enseignants reste identique quant à leur performance. On pourrait donc s'imaginer qu'ils n'atteignent pas leurs objectifs mais ce n'est pas pour autant qu'ils sont plus motivés, que du contraire.
Une autre transposition pourrait s'appliquer au secteur de la vente. Un commercial qui doit atteindre un certain quota de vente, se sentira motivé s'il le dépasse et s'il sait qu'il dépasse les résultats de ses collègues. Il reçoit un certain pourcentage de chaque vente donc il sera d'autant plus motivé s'il vend plus.


Bibliographie :

Karniol, R., & Ross, M. (1977). The effect of performance-relevant and performance-irrelevant rewards on children's intrinsic motivation. Child Development. P. 744-750

mardi 17 mars 2015

L'argent vous motive-t-il dans votre travail ?

Nous connaissons tous le principe de prime à la performance qui cherche à motiver le personnel. Contrairement à une récompense monétaire, d'autres préfèrent valoriser leur meilleur employé (personnellement, feedbacks positifs, socialement...) en le nommant, par exemple, employé du mois. 

Selon vous, laquelle de ces méthodes est la plus efficace ?

Comme nous l'avons vu précédemment dans l'article : " Vous souhaitez susciter l'engagement chez vos employés sans leur mettre trop de pression ? " une grosse somme d'argent diminue l'engagement des gens par rapport à une plus petite somme. Elle suscite un sentiment de pression externe plus  important et donc un contrôle interne réduit. Dès lors le pouvoir motivateur de l'argent est-il remis en cause ? Une congratulation personnelle et/ou  sociale ne suffirait-elle pas à motiver les gens ?

Imaginez un exemple dans la vie de tous les jours : l'adolescente de vos voisins aime bien garder vos enfants lorsque vous êtes absents et ce, de façon totalement bénévole. Vous ne cessez de la remercier et de lui dire que les enfants adorent quand elle s'occupe d'eux. Un jour toutefois, vous vous faites la réflexion suivante : après tout, vous trouvez que tout travail mérite salaire, il serait donc juste de  lui donner une petite somme d'argent. Est-ce qu'elle aimera toujours autant garder vos enfants ?


Deci (1971) pense que les récompenses externes octroyées pour une activité ont un effet sur la motivation intrinsèque préexistante. Ces récompenses externes peuvent être soit monétaires, soit prendre la forme de renforcements verbaux et de feedbacks positifs. Pour vérifier l'impact de ces deux types de récompenses, il va mener deux expérimentations.
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 Puzzle. [illustration]. Tiré de : http://pixabay.com/fr/puzzle-puzzle-piece-gap-absent-75659/

La première expérimentation regroupe 24 personnes, réparties en deux groupes de 12 : un groupe contrôle et un groupe expérimental. Chaque personne participe à trois étapes d’une heure, réparties sur trois jours. Durant ces trois stades, il leur est demandé de rassembler les pièces d’un puzzle afin de réaliser différentes formes. Le temps qu’ils mettent à résoudre chaque configuration est mesuré, et ils sont arrêtés à 13 minutes maximum.
Durant la première étape, les deux groupes font la même chose. Durant la seconde, les personnes du groupe expérimental sont rétribuées 1$ pour chaque configuration qu’ils parviennent à réaliser en moins de 13 minutes. Les autres ne reçoivent rien. Lors de la troisième étape, aucun des deux groupes ne reçoit d’argent pour réaliser les puzzles (on dit à ceux qui avaient été payés en seconde session qu’il n’y a plus d’argent pour pouvoir les rétribuer).
Pour obtenir une mesure de la motivation, l’expérimentateur, au milieu de chaque session, quitte la pièce durant 8 minutes en indiquant à la personne qu’il n’en a que pour quelques minutes, qu’elle peut faire ce qu’elle désire pendant ce temps (lire des magazines à disposition, continuer les puzzles, marcher un peu pour observer la pièce, ou autre). On mesure ensuite durant ces 8 minutes de libre choix le temps que la personne va volontairement passer sur le puzzle. 
Enfin, à la fin de chaque étape, les personnes sont invitées à indiquer l’intérêt qu’ils ont eu à réaliser leur tâche, sur une échelle de 9 points.
Ces deux méthodes (temps et niveau d'intérêt) sont employées comme indicateurs de la motivation.

Deci a observé que la motivation (mesurée durant les 8 minutes de choix libre) a augmenté lors de la seconde étape dans le groupe expérimental mais pas dans le groupe contrôle. Pour le groupe qui a été payé en seconde étape, la motivation s’avère largement plus basse lors de la troisième étape que lors de la première.
Il n’y a pas de différence significative dans les résultats à l’échelle d’intérêt sur 9 points des deux groupes.
La conclusion de cette première expérience est que l'argent fait diminuer la motivation.
Revenons à l'adolescente qui garde vos enfants. D'après cette expérience, elle sera moins motivée à garder vos enfants si vous commencez à la payer !

La seconde expérience ressemble très fort à la première. La grosse différence réside dans le fait que la récompense que l’on attribue aux personnes du groupe expérimental n'est plus cette fois dans un paiement en argent. En effet, il s'agit cette fois de renforcements verbaux (« c’est très bien ! ») et de feedbacks positifs (« vous faites mieux que la moyenne pour ce puzzle ! ») même si ceux-ci sont faux. Ainsi, lorsqu’une personne ne parvient pas à résoudre une configuration, on lui indique que c’est l’une des plus difficiles de toutes, que la plupart des gens n’y parviennent pas.

La motivation interne des personnes du groupe contrôle a constamment diminué au cours des trois stades. La motivation des personnes du groupe expérimental, à l’inverse, n' a pas diminué au cours de l'expérience

Les renforcements verbaux et feedbacks positifs ont ici maintenu la motivation qui sans cela aurait diminué.

Pour en revenir à notre question initiale, la méthode la plus efficace pour motiver vos employés serait donc la valorisation de ce qu'ils accomplissent. Contrairement aux idées reçues, l'argent ne semble donc pas constituer un bon motivateur dans le travail.

La récompense par approbation sociale ne semble pas être perçue comme un mécanisme de contrôle. Elle s'apparente à de l’affection et de l’approbation verbale. Ceci expliquerait qu’elle n’ait pas le même impact négatif que l’argent sur la motivation. 

Selon Deci, la diminution (plus que temporaire) de motivation interne associée à la récompense pécuniaire est peut-être due à sa connotation et son usage dans notre culture. C'est pourquoi il serait intéressant de nous pencher sur d'autres formes de récompenses comme des rétributions non monétaire. Dans notre prochain billet, nous nous intéresserons plus précisément à la motivation chez les enfants. En effet, leurs perceptions des récompenses n'est pas forcément la même qu'un adulte.

Bibliographie :

Deci, E. (1971). Effects of externally mediated rewards on intrinsic motivation. Journal of Personality and Social Psychology. P. 105-115

mercredi 11 mars 2015

La sortie de l'engrenage

Un aparté s'impose !
Il convient de mettre en perspective les résultats formulés dans le billet intitulé : « On donne le doigt et il vous prend le bras ! » Nous vous invitons d’ailleurs à lire cet article en cliquant ici.

Rappelons brièvement les résultats :

Le groupe ayant répondu favorablement à une première requête est plus engagé dans une deuxième requête plus importante que le groupe contrôle qui ne subit que la deuxième. De plus, quand 1ère requête et 2ème requêtes sont semblables au niveau de la tâche à effectuer et qu'elles portent sur le même sujet, il y a davantage d'acceptation pour la 2ème  requête.Quand les deux requêtes différent en termes de thématique ou de tâche à effectuer, il y a toujours plus de compliance que dans le groupe contrôle mais pas autant que dans le cas précédent. Remarquons que lorsqu'on ne tient pas compte du groupe contrôle, la différence entre les quatre autres groupes n'atteint pas la signification statistique bien que, comme on le constate sur le graphique ci-dessous, la condition doublement similaire semble se démarquer des deux autres. 



Freedman et Fraser (1966) envisageaient trois mécanismes explicatifs possibles:

1- La question de principe: Selon cette idée, le fait d'avoir dit "oui" à une première requête nous oblige à dire "oui" à la seconde. Ayant dit oui à la première, on ne dispose d'aucune bonne raison de dire "non" à la seconde. Ceci devrait surtout se produire si les deux thèmes sont identiques. En effet, lorsqu'ils diffèrent, il serait très facile de refuser la seconde requête sous prétexte qu'elle porte sur une thématique différente.

2- Selon une seconde explication, en ayant accepté la première requête, les sujets se sentent engagés par le sujet ou dans leur relation à l'expérimentateur. 

Mais, à nouveau, l’effet d’engagement explique mal l’augmentation de la compliance trouvée dans les deux groupes dans lesquels la première et deuxième requête étaient différentes: en effet, s'engager à travers la première requête à conduire de façon plus prudente ne devrait pas se traduire par un engagement à améliorer la beauté de la Californie. Ils cherchent dès lors d’autres explications à cette augmentation par rapport au groupe contrôle. Ils proposent qu’un changement plus général dans la mentalité des individus pourrait avoir eu lieu. Quand l’individu marque son accord à la requête, son attitude change.  Il devient à ses propres yeux le genre de personnes qui coopèrent pour les bonnes causes, qui prend des actions dans lesquelles il croit etc. Cela implique que l’augmentation de l’engagement ne dépende pas de l’implication envers une personne ou d'une thématique particulière. 

L’étude de Freedman & Fraser (1966) ne fournit pas les explications définitives à la compréhension des résultats. Cependant, l’idée d’engagement reste plausible pour les auteurs. D’autres auteurs comme Karniol et Ross proposent d’autres mécanismes qui sous-tendent l’engagement des individus. Si vous voulez en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre prochain billet

Bibliographie :


Fraser, S. & Freedman, J. (1966). Compliance without pressure : the foot in the door technique. Journal of Personality and Social Psychology. P.195-202.

mardi 10 mars 2015

On donne le doigt et il vous prend le bras !


Engrenages. Tiré de http://pixabay.com

Dans un billet précédent, nous avions vu l'importance de l'engagement dans la résistance au changement d'attitude : plus un individu s'était engagé, plus il résistait au changement. Aujourd'hui, nous allons explorer une autre version de cet impact de l'engagement, sur cette fois, le comportement: comment faire en sorte qu’une personne agisse dans un sens désiré alors que celle-ci ne souhaiterait, au départ, pas agir ? 

Prenons deux exemples concrets :

1) En tant que chef d'un service de call-center, comment obtenir que vos employés acceptent de prendre des appels dans une seconde langue afin de diminuer vos coûts de fonctionnement, alors que ces employés ne sont pas bilingues, pas forcément "à l'aise" dans cette position et que cela ne figure pas dans leurs contrats de travail?

2) Mettons qu'il est 19 heures, et que vous mourez d'envie d'aller voir au cinéma le dernier film à la mode, "Cinquante nuances de Grey". Bien entendu, vous voulez y aller avec votre conjoint/e... mais celui-ci/celle-ci semble exténué/e par sa journée de travail : vous savez qu'il/elle n'est pas a priori partant/e. Comment faire pour qu'il/elle vous accompagne? 

Une réponse traditionnelle à ce problème consiste à exercer une pression extérieure sur l'individu réticent. Dans notre premier exemple, il pourrait s'agir d'une prime en monnaie sonnante et trébuchante. Cependant, une possibilité moins coûteuse existe... Dans cette étude, les scientifiques envisagent en effet une orientation différente. Ils souhaitent montrer que lorsqu’une personne a exécuté une petite requête au préalable, alors elle exécutera plus facilement une requête plus importante. Cette technique, bien connue en psychologie sociale, est nommée "le pied dans la porte". Ceci, vous l'aurez compris, en référence à une pratique courante des vendeurs à domicile qui, une fois le pied dans la porte (au sens propre du terme comme au figuré) s'avèrent beaucoup plus difficiles à mettre dehors. 

La  première expérience qui a cherché à mettre en évidence ce phénomène a  été menée par deux psychologues sociaux américains dans les années 60 (Freedman & Fraser, 1966).

Expériences :

Leur hypothèse de base est que lorsque des sujets exécutent une première requête, ils seront plus enclins à en effectuer une plus grande ultérieurement.
Pour ce faire, ils contactent des ménagères par téléphone où ils se font passer pour une sorte de test-achat en leur posant plusieurs questions sur les produits ménagers qu'elles utilisent (exemple : quelles sortes de détergents elles utilisent).
Par la suite, on leur demande si une équipe peut venir chez elles afin de classifier et énumérer tous leurs produits ménagers tout en s'octroyant le droit de fouiller dans tous les placards. 
Différents groupes contrôles sont joints afin de déterminer si c’est seulement la requête de moindre envergure qui conduit les individus à agir plus fortement envers une requête de plus grande envergure. 
L’hypothèse est confirmée après la recherche. L’effet de familiarisation avec l’enquêteur et l’effet d’accord seul n’expliquent pas les résultats. 
Pour comprendre le pourquoi et le comment des résultats, les chercheurs effectuent une deuxième recherche. Ils énoncent  premièrement que le phénomène d'engagement se fait par rapport à une personne précise, l'enquêteur: si la première requête est émise par une personne différente de la deuxième, le phénomène du pied dans la porte devrait être de moindre ampleur. Ensuite, la première requête augmenterait l’engagement seulement quand la deuxième requête est plus ou moins en lien avec la première. Enfin, la similarité entre la première et la seconde requête dans les termes du type d’actions est un facteur important.

Pour mesurer ces hypothèses, la deuxième expérience se fait à l’aveugle et les requêtes ne sont pas faites par les mêmes personnes. La première requête varie selon deux dimensions : faire un petit signe ou signer une pétition. Dans les deux cas, c’était soit pour la beauté de Californie soit par la sécurité routière. La deuxième requête fut systématiquement de planter un panneau sur lequel était indiqué « roulez en sécurité » (et qui était donc en lien uniquement avec la sécurité routière et non pas avec la beauté de la Californie). Alors que certains sujets sont confrontés aux deux requêtes successivement, un groupe contrôle n'est exposé qu'à la seconde. 

Les effets sont les mêmes que ceux de la 1ère étude c’est-à-dire que le groupe ayant répondu à une première requête est davantage prêt à répondre à a deuxième requête (plus importante) que le groupe contrôle qui ne subit que la deuxième. De plus, quand questions et tâches sont semblables, il y a plus d'acceptation de la seconde requête. Quand questions et tâches sont différentes, il y a toujours plus de compliance que dans le groupe contrôle mais pas autant que dans le cas précédent. Et enfin, lorsqu'on change d'enquêteur entre la première et la deuxième requête, on peut constater que les personnes sont moins enclin à accepter la deuxième requête.


Conclusion :

La première étude montre que la probabilité qu’un sujet marque son accord pour une grande requête est augmentée s'il répond favorablement à une première requête plus petite quand bien même l’enquêteur est différent et que les requêtes ne sont guère liées entre elles. 

Quid donc de notre premier exemple ? Le chef de service pourra, par exemple, inviter les employés à prendre part à une séance d'information (durant les heures de travail) sur la prise d'appels dans la seconde langue et ses avantages. Et ensuite à quelques périodes de cours de langue précisément orientées sur cette prise d'appel. Ceux qui auront accepté de participer à la séance d'information, ne pensant pas s'engager outre mesure, auront ainsi mis le doigt dans l'engrenage, seront enclins à participer au cours, et, le bras dans l'engrenage, seront davantage prêts à accepter de prendre les appels dans la seconde langue.

Ainsi, pour en revenir à notre précédent billet (que vous pouvez retrouver en cliquant ici), nous pouvons constater qu'il s'agit encore ici d'une forme d'engagement. En accédant à une première demande minime, l'individu s'engage dans une certaine attitude. Une fois engagé, l'ensemble des comportements cohérents avec cette attitude sont renforcés, et il résistera davantage communications contraires. Dès lors, il aura davantage tendance à accéder au second comportement, plus conséquent que le premier mais cohérent avec son image de lui-même. On donne le doigt à quelqu'un et en fin de compte, il vous prend le bras tout entier !

Testez-le chez vous ! 

Une petite envie de jouer à l'apprenti sorcier de la psychologie sociale? 

Pour en revenir à notre second exemple, commencez par demander à votre conjoint/e : "Tiens, tu sais s'il est déjà sorti dans les salles, ce film?". "Lequel?" vous sera-t-il probablement répondu. Et vous de continuer : "Cinquante nuances de Grey. Tu veux bien vérifier les horaires sur internet pendant que je finis de ranger les courses?" (ou de faire tout autre chose de manière affairée). 

Si votre conjoint/e accepte de vérifier les horaires de passage du film, vous aurez beaucoup plus de chances qu'il/elle accepte ensuite de vous y accompagner!

Avec un peu d'imagination, vous pourrez appliquer ce principe à bien des situations, y compris avec les enfants et vos collègues de travail, et augmenter vos chances d'obtenir d'eux ce dont vous avez besoin.

Bibliographie : 

Freedman, J. & Fraser, S. (1966). Compliance without pressure : The foot-in-the-door technique. Journal of Personality and Social Psychology. P.195-202.


lundi 2 mars 2015

Vous souhaitez susciter l'engagement chez vos employés sans leur mettre trop de pression ? Proposez un salaire faible !

Derrière ce titre accrocheur, nous souhaitons briser les codes et les idées reçues à propos de l’engagement. Comment pourrait-on envisager qu'une quantité plus importante d'argent engage moins les individus car elle leur met plus de pression ? C'est ce que nous allons montrer.
Le mot "engagement" évoque indubitablement en chacun et chacune de nous des images, des représentations. Certains y verront l’engagement à l’armée, d’autres dans le mariage. Plus largement, l’engagement est aussi la volonté d’être donneur de sang, de consommer de manière responsable, ou équitable, ou encore même d’être végétarien. Notre vie entière est ponctuée d’engagements que l’on prend en fonction de certains idéaux, d’une certaine manière de vivre dont on défend la valeur ou les valeurs.
 Vikne, E.(2011). Engagement rings.[Photographie]. Tiré de http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Engagement_rings_777.jpg


Lorsque l’on prend un engagement, une obligation naît en nous face à nos actes, notre comportement. Par exemple, si je défends le don de sang, je dois donc donner du sang. Si je suis pour la consommation responsable, je dois éviter de gâcher des produits, trier mes déchets, etc.    
Mais il arrive qu’un acte que nous faisons ne correspond pas à cet idéal que nous nous sommes fixés. On parlera alors de dissonance cognitive. La théorie de la dissonance cognitive repose sur l'hypothèse que les individus cherchent une cohérence entre leurs attentes et leur vie effective. Participe à cet effort la recherche d'une diminution de la dissonance par un rapprochement des cognitions et des actions. Cet ajustement permet une diminution de la tension psychologique et du désarroi. Pour fournir un exemple concret , une grande majorité d’entre nous a déjà été confronté à l’idée de commencer un régime. L’attitude équivaut à  : « Je vais commencer un régime et je dois éviter les aliments gras ». Le comportement se traduirait par : manger un beignet ou un autre aliment gras.

La diminution de la dissonance peut alors s’obtenir de trois manières différentes :       

1) Changement du comportement/de la cognition et respect de l'attitude. Par exemple : arrêter de manger des beignets.               
2) Justifier un comportement/une cognition en aménageant la cognition conflictuelle. Par exemple : « Je suis autorisé à tricher de temps en temps ».   
3) Justifier son comportement/sa cognition en ajoutant de nouvelles cognitions. Par exemple : « Je ferai 30 minutes de plus à la gym, pour compenser ».

Une théorie a été établie dans les années 1960 par les psychologues sociaux Kiesler & Sakumura (1966). Kiesler et Sakumura sont les premiers auteurs à donner une définition de la psychologie de l'engagement. Ils la définissent comme « le lien qui relie l'individu à ses actes comportementaux ». À travers ce lien, la personne est engagée par son acte. La théorie décrit le rôle de l’engagement dans les changements d’attitude et la résistance à ces changements.

Par ailleurs, Kiesler & Sakumura proposent que l’engagement a pour effet de rendre les actes moins modifiables (et donc la personne aura plus tendance à changer son attitude).  Si l’acte est cohérent avec le système de croyances de l’individu, alors l’engagement rend la personne encore plus résistante au changement dans ses croyances. La personne modifiera plus facilement ses actes que son attitude. Un exemple bien connu de la guerre 40-45 est Dietrich Von Choltitz qui en reconnaissant la guerre perdue pour son camp et pour s’aménager son avenir de futur prisonnier va refuser de brûler Paris et va se livrer aux Alliés. En se faisant, il modifie ses actes pour les faire correspondre à ses croyances.             

Si l’acte n’est pas cohérent avec le système de croyances de l’individu, alors l’engagement mènera la personne à changer ses croyances, son attitude, plutôt que ses actes. Par exemple, si je suis pour le respect de la nature et que je viens de jeter un papier à terre alors dans le cas présent je laisse mon papier à terre en me disant qu’il n’est pas constitué de plastique et qu’il sera vite dégradé par la nature.

Dans les deux cas, une cohérence plus forte est le but de l’individu. Plus l’engagement est grand, plus l’effet produit sera grand, et les actes de la personne seront de moins en moins modifiables. De plus, deux grands facteurs ont une influence importante sur l’engagement. Le premier est le choix perçu : à quel point la personne a l’impression qu’elle choisit librement ses actes. Le second est la pression extérieure : plus la pression extérieure sera importante, moins la personne aura l’impression qu’elle est libre de son choix.


Partant de là, une expérience psychologique a été menée par les deux chercheurs. Selon eux, s’ils demandaient à des gens de poser un acte cohérent avec leurs croyances, leurs attitudes habituelles, moins ils mettraient de pression extérieure sur ces gens, plus ceux-ci s’engageraient d’eux-mêmes. Ultérieurement, leurs attitudes se montreraient plus tenaces si on leur faisait passer un message contraire à cette attitude. L'engagement réduirait donc l'effet de la dissonance cognitive sur le changement d'attitude. 

L'expérience en tant que telle a été menée sur 42 personnes, étudiants en psychologie. L'expérience leur était présentée comme une enquête d'opinion dans le cadre d'un de leurs cours. 
Une série de 12 questions fut distribuée aux participants. Le thème du questionnaire était : "l'âge légal pour voter est mis à 18 ans" (il était alors de 21 ans aux Etats-Unis). Les sujets étaient interrogés pour savoir s'ils étaient pour ou contre cette diminution. Par la suite, on leur a demandé d'enregistrer un message audio sur le sujet. Les participants devaient exprimer leur avis sur le thème en s’identifiant par le nom. 

Un message contraire, qui s'opposait  donc à leur propre attitude, leur fut ensuite présenté. Et enfin, on les sollicitait pour savoir s’ils avaient toujours la même opinion sur le sujet.  

Les participants à l’étude ont été répartis en trois groupes. Dans le premier, on accentuait la pression extérieure en les payant 5$ pour se prêter à l’expérience. Dans le second, la pression était moins grande à travers un paiement d’1$ seulement. Dans le troisième, on ne proposait pas d’argent et on ne leur demandait pas d’enregistrer de message audio. Ainsi, on pouvait évaluer si les sujets changeaient d'attitude et si cela dépendait de la pression introduite par la récompense proposée. Pour évaluer l’effet de l’argent, on fait la même expérience avec un groupe contrôle et cette fois ils n'enregistraient pas de message audio. 
        
Les personnes qui reçoivent plus d'argent (5 $) ont sur eux une pression extérieure plus forte, que ceux qui en reçoivent moins (1 $). Ils sont donc moins engagés par l'acte consistant à énoncer leur attitude. Donc, selon la théorie de Kiesler et Sakumura, ceux qui reçoivent 5 $ auront moins tendance à changer d'attitude que ceux qui n'en reçoivent qu'un, qui eux résisteront mieux du fait de leur engagement plus important.  Les résultats confirment ces hypothèses.

Nous nous devons d'apporter quelques précisions quant au titre de l'article. En effet, vu les résultats de l'expérience, il apparaît qu'une somme d'argent plus faible suscite moins de pression et donc plus d'engagement pour les individus. Cependant, appliqué au monde du travail, d'autres facteurs peuvent intervenir comme la performance par exemple. Cela fera l'objet d'un autre article.
Cette étude n’en est qu’une parmi tant d’autres mais elle fait partie du fondement des théories de l’engagement. Dans un prochain billet, nous tenterons de vous expliquer comment se déroule la célèbre technique du pied dans la porte, bien connue des commerciaux en vente. En effet, n’avons-nous jamais vu une personne dans le besoin nous demander l’heure et ensuite nous demander quelques sous ? Nous vous décrirons les mécanismes de base de cette technique.

Bibliographie :

Kiesler, C & Sakumura, J. (1966). A test of a model for commitment. Journal of Personality and Social Psychology. P.349-353.